Des céréales à la vigne
Un patrimoine familial
Le Moulin de Rioucreux est dans ma famille depuis le XVIIe siècle. D’abord dédié à la meunerie et à la polyculture, le moulin à vent est détruit en 1850 et la maison du meunier transformée en chai. Au début du XXe siècle, les cuves en bois sont remplacées par des cuves béton. La culture de la vigne devient alors la culture principale.
En 1982, mon grand-père rachète les vignes du Moulin des Blais, en Côtes de Bourg. En 1985, mes parents reprennent le domaine, qui passe de 10 à 18 ha en dix ans. En 1995, un chai plus moderne avec cuves en fibres remplace l’ancien. La cuverie béton est conservée, des oies sont élevées pour la vente de foie gras maison.
Le vignoble est progressivement restructuré autour de 5000 pieds/ha (contre 3200 auparavant) avec des porte-greffes plus qualitatifs. La production de blancs est stoppée, les rouges sont vendus au négoce et aux particuliers. A partir des années 2000, le désherbage est limité, les sols travaillés en partie à la main et les maladies traitées au produit de contact, sans anti-botrytis.
De Blaye à Hawke’s Bay
Une vision agricole globale
Après un IUT d’Agronomie Générale et une École d’Ingénieur des Travaux Agricoles, je décroche un diplôme d’œnologue et enchaîne les expériences viti-œno : Institut Français de la Vigne, négociant bordelais, cave coopérative en Auvergne, vinifications dans le Ribatejo au Portugal puis au Château Mouton Rothschild en 2009.
L’année suivante, je pars vinifier trois mois dans la Hawke’s Bay en Nouvelle-Zélande, célèbre pour ses « Bordeaux Blends », assemblages de Merlots et de Cabernets. Après un tour de l’Île du Sud et une dégustation des Pinots noirs d’Otago, je reviens suivre 19 viticulteurs en pleines vendanges pour un labo de l’Entre-deux-Mers.
Je rencontre à cette occasion Jean Crampes de Château Gayon, exploitation engagée en agriculture raisonnée sous le label Terra Vitis. J’y travaillerai deux ans et demi, gérant le chai des vinifications à l’embouteillage en lorgnant sur l’aspect commercial. Une belle expérience dans un domaine dont la gamme des vins couvre six cuvées et autant d’appellations.
De la terre au verre
Une dynamique biologique
En 2013, je prépare avec mes parents la reprise du domaine. Le passage en agriculture biologique est acté rapidement : 10 hectares sont engagés en conversion dès l’été. Trois mois plus tard, nous rachetons les vignes d’un voisin en bio depuis 30 ans. Le 1er janvier 2014, je reprends officiellement l’exploitation.
Mon expérience, ici et ailleurs, m’a appris qu’il existait des manières très différentes de faire du vin, plus ou moins industrielles, plus ou moins proches de la vigne et du consommateur, que la passion faisait souvent la différence, et que seule la patience, à la vigne comme au chai, permettait de construire des choses durables.
La conversion du domaine en agriculture biologique s’inscrit dans notre époque. C’est une démarche globale et d’avenir, qui nous rapproche chaque jour un peu plus de nos consommateurs. Elle nous a permis de créer un meilleur environnement de travail à la vigne, et de produire des vins élaborés à partir de raisins sains.
— Guillaume Guérin